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6 juillet 2020 - 04:00

Covid-19 : faut-il tester massivement ? Ça dépend

Une critique récurrente à l’égard des gouvernements ces derniers mois, un peu partout dans le monde, a été leur incapacité à atteindre leurs objectifs de dépistage. Cet échec, se sont inquiétés plusieurs analystes, nous mettrait en danger. Une deuxième vague serait-elle plus probable si l’on ne testait pas suffisamment ?  Le Détecteur de rumeurs a vérifié.

 

L’origine de cette inquiétude

Parmi les critères mis de l’avant par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en avril pour qu’un pays puisse lever les mesures de confinement figurait « la capacité du système de santé de tester, d’isoler et de traiter chaque nouveau cas et de retracer chaque contact ». C’est ainsi qu’au Québec, par exemple, beaucoup d’observateurs ont alors mis en doute la capacité de respecter cette condition, alors qu’on arrivait à peine à tester 4500 Québécois par jour, et qu’on réservait ces tests aux patients et au personnel des hôpitaux et des CHSLD, ainsi qu’aux travailleurs des métiers essentiels.

En annonçant son « plan de déconfinement » au début de mai, le Québec a donc promis d’augmenter rapidement le nombre de tests réalisés quotidiennement. On ciblait alors 14 000 tests par jour, avec la possibilité de passer à 30 000, si cela devenait nécessaire.

Mais cette cible de 14 000 tests quotidiens n’a été atteinte qu’à quelques reprises, entre le 21 et le 30 mai, avant de redescendre entre 5000 et 10 000 depuis le 6 juin. Plusieurs analystes s’en sont inquiétés. Et pourtant, malgré les apparences, le problème n’est pas là.


L’important, c’est la rapidité de la réponse

Au début de l’épidémie, le Québec manquait de tests. En outre, les échantillons devaient être envoyés au laboratoire de Calgary pour être analysés, ce qui demandait plusieurs jours. Il a donc été décidé de limiter les tests aux seules personnes qui rentraient de Chine, puis de quelques autres pays où la Covid-19 s’était implantée. Et on ne testait que les personnes présentant plusieurs symptômes caractéristiques de la maladie. Ces restrictions ont fait en sorte que beaucoup de voyageurs en provenance des États-Unis n’ont jamais été testés et, surtout, que les gens qui n’avaient que des symptômes mineurs ont échappé au dépistage.

Or, on n’en est plus là aujourd’hui. Le Québec a rapidement développé une capacité d’analyser localement les tests, puis s’est donné en mai l’organisation nécessaire pour tester au moins 14 000 personnes par jour et traiter rapidement ces tests.

Mais l’élément essentiel, ici, c’est l’organisation pour, à la moindre reprise de l’épidémie, tester les gens qui ont des symptômes, dans n’importe quelle région ; puis, en cas de résultat positif, retracer rapidement l’ensemble des personnes ayant interagi avec ces nouveaux cas et mettre en quarantaine les individus positifs. Dans ce processus, c’est donc la capacité de « traçage » qui est cruciale.

Prenons le cas de la Corée du Sud, que l’OMS a citée en exemple dès le mois de mars, pour sa bonne gestion de l’épidémie. Pourtant, en fin de compte, ce pays n’a testé que 23 personnes par 1000 habitants, comparativement à 65 par 1000 au Canada, et 83 pour 1000 en Italie. Ce n’est pas le nombre de tests qui a fait la différence, mais la rapidité de l’intervention, et l’efficacité du traçage des proches pour contenir chaque nouveau foyer d’infection.

En réalité, si les nouvelles éclosions sont de moins en moins nombreuses, il n’est pas utile de faire des milliers de tests à l’aveugle, seulement pour atteindre la capacité maximale annoncée. Même si chaque test n’est pas très coûteux (entre 15 et 20 dollars, selon les appareils utilisés et les volumes traités par chaque clinique), en réaliser 10 000 de trop chaque jour représenterait une dépense inutile. Et il faut aussi prendre en compte le temps du personnel affecté à cette tâche.

Ce qui rendrait cette dépense encore plus contestable, c’est que les tests TAAN utilisés (tests d’amplification d’acides nucléiques, ou PCR en anglais) sont très peu sensibles dans le cas de charges virales faibles, soit en début et en fin d’infection. Ils donnent donc très souvent des « faux négatifs », comme le souligne une étude de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux du Québec sur la détection de la Covid-19 chez les individus asymptomatiques. L’hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, Dre Bonnie Henry, a reconnu elle aussi que les tests de dépistage à grande échelle, avec 30 % de faux négatifs, sont une stratégie inefficace pour ralentir la propagation du virus, car ils ne sont pas aussi sensibles que le croyaient les autorités sanitaires en début de pandémie.

Certains journalistes ont évoqué l’exemple de l’Alberta, qui aurait choisi de tester des gens asymptomatiques. À la mi-mai, la province a en effet offert aux gens sans symptômes, mais qui ne faisaient pas de télétravail, d’aller se faire tester. Sur les 3400 personnes ayant répondu à l’appel, on a découvert 75 cas positifs. Or, tous avaient été en contact étroit et prolongé avec des gens testés positifs auparavant. Ces cas auraient donc été repérés par un bon système de traçage.

 

Les priorités de diagnostic de la Covid-19 ont été souvent revues et élargies. En date du 25 juin, au Québec, les directives ciblaient six groupes :

  • - les patients symptomatiques hospitalisés, de même que les femmes enceintes symptomatiques au troisième trimestre et les personnes qui les accompagnent à l’accouchement si elles sont symptomatiques ;
  • - les professionnels de la santé symptomatiques en contact direct avec les patients, incluant les services ambulanciers ;
  • - les usagers et le personnel des CHSLD, des résidences pour aînés et des ressources intermédiaires dès qu’un nouveau cas positif est confirmé, ainsi que tout patient d’un centre hospitalier déplacé vers un milieu d’hébergement ;
  • - les personnes symptomatiques, surtout dans les milieux à risque (prisons, refuges pour itinérants) ou en cours de réouverture (écoles, milieux de garde, manufactures, mines, construction, etc.) ;
  • - les premiers répondants ou travailleurs du système de sécurité publique (policiers, pompiers, etc.) et autres travailleurs symptomatiques fournissant des services jugés essentiels ;
  • - les personnes qui ont eu des contacts étroits avec des cas confirmés, symptomatiques ou non.

 

Source : 

Pierre Sormany – Le Détecteur de rumeurs

Agence Science-Presse (www.sciencepresse.qc.ca)

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