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7 avril 2020 - 04:00

Plaidoyer pour l’achat local

En ces temps de crise, chacun de nous peut faire deux choses importantes pour sa communauté : 

1. Suivre à la lettre les directives de confinement promulguées par nos gouvernements ;

2. Acheter d’un commerçant local les produits dont il aura besoin durant la crise.

La crise que nous traversons nous dévoile une face cachée de notre économie : la fragilité des chaînes d’approvisionnement. À moyen terme, c’est d’ailleurs notre sécurité alimentaire qui pourrait être mise en cause. Ce n’est pas rien.

Tous se rendent compte à quel point il est rassurant, en ces temps de crise, de se dire que nos industries produiront les biens et services essentiels, que les régions agricoles nous assureront l’essentiel.

Pourtant, au cours de la dernière décennie, le réseau commercial québécois, toutes catégories confondues, a dû se battre pour conserver ses acquis. 

La guerre des parts de marché se déroule dans les centres de données et dans les entrepôts. C’est discret, mais mortel pour bien des commerçants québécois.

Il est temps de prendre la mesure du défi qui est dorénavant le nôtre. Il faut solidifier notre économie. L’achat local est ici le premier et plus efficace geste que nous puissions poser.

L’effet multiplicateur d’une décision économique plutôt simple à prendre est très important. Un produit acheté localement permet à des commerçants de payer leurs employés, leur loyer, leurs taxes foncières, leurs fournisseurs et finalement de verser de l’impôt sur le profit. Les impôts, ceux des commerçants comme des autres, c’est ce qui tient debout notre système de santé.

Pour un dollar dépensé chez un commerçant local, plus de la moitié restera ici comparativement à moins de 20 % pour un groupe international.

Une étude publiée par le ministère de l’Agriculture du Québec (2017) laisse voir qu’uniquement dans le domaine des légumes frais, il faut employer près de 5000 personnes (équivalent temps plein) pour la transformation, ce qui ajoutera 73 % à la valeur de production. Lorsque vous achetez des fruits et légumes transformés à l’étranger, vous retranchez systématiquement des emplois ici. C’est vrai pour les légumes comme pour les biens de consommation les plus courants.

Une perception fausse

On accuse souvent les commerçants locaux de vendre plus cher, de ne pas être compétitifs. C’est probablement l’une des perceptions les plus difficiles à renverser. Pourtant elle est fausse. Un examen du marché portant sur un échantillon de 1000 produits vendus au Québec, effectué dans le cadre d’une étude de marché sur le commerce électronique, nous démontre qu’on en trouvera 80 % à moindre coût chez les détaillants québécois.

On cite souvent Walmart comme une panacée pour une famille moyenne qui cherche à faire ses emplettes au meilleur prix. Pourtant, l’approche commerciale des Walmart de ce monde consiste à sous-traiter chaque maillon de la chaîne, à en exiger des réductions de coûts et des hausses de productivité. On utilise le volume des ventes pour concentrer les efforts des producteurs et transformateurs à l’avantage unique du distributeur. Les autres plateformes de distribution affaiblies ou régionalement détruites, les producteurs et transformateurs sont alors pieds et mains liés. Ce cercle vicieux est mortel pour notre économie. Il faut réagir.

La famille Walton, propriétaire de la chaîne Walmart, possède autant que 40 % des foyers américains les moins fortunés. Pourtant, les employés de Walmart, aux États-Unis, doivent fréquenter les soupes populaires ou obtenir un soutien au revenu. Quelque chose ne tourne pas rond dans ce système.

En ces temps de crise, pour soutenir l’économie d’ici, outre les détaillants québécois se qualifiant à titre de services essentiels, le commerce électronique est la seule façon permise à tous pour vendre leurs produits. C’est aussi une formule qui permet de limiter les risques de propagation du coronavirus. Nous devons donc encourager plus que jamais nos commerçants, de cette façon, pendant les 3, 6 ou 12 prochaines semaines ; le temps que durera la crise. Il faut soutenir les différentes initiatives en ce sens qui se mettent en branle, les promouvoir et les utiliser.

Il est possible que certaines transactions soient un peu moins expéditives que ce à quoi nous sommes habitués, mais acceptons, au nom de la solidarité, les quelques maladresses du début.

Il ne fait pas de doute que le Québec est en retard au niveau du commerce électronique. Mais nous avons heureusement des leaders comme Simons, Metro, Frank and Oak, les Fermes Lufa et Ssense. Ils rivalisent avec les meilleurs. On voit aussi poindre des entrepreneurs qui développent des propositions innovantes. Pensons, par exemple, à Maturin.ca qui propose la livraison d’aliments d’une grande qualité, issus de nos entreprises agricoles, ou à Signelocal.com qui n'offre que des produits fabriqués ici.

Néanmoins, actuellement, au Québec, aucune solution de commerce électronique ne permet de fédérer les produits des différents commerçants au sein d’une plateforme simple, efficace, rapide et conviviale.

Il s’agit d’un rêve ambitieux qui se transforme en nécessité impérieuse que le Québec n’a clairement plus les moyens de reporter plus longtemps. Il est évident que nous avons pris un grand retard.

Il est d’autant plus frustrant de constater ce retard alors que nous pouvons compter sur une expertise en intelligence artificielle fortement concentrée à Montréal, que nous avons des gestionnaires de réseaux de télécommunication capables de rejoindre tout le Québec, des entreprises déjà engagées dans le commerce électronique comme CGI, des centres de gestion des données, des capacités logistiques pour la livraison et des détaillants traditionnels que les Québécois affectionnent. Qu’est-ce qu’on attend ?

J’ai déjà pour habitude d’acheter les biens et les services dont j’ai besoin auprès de commerçants locaux, non seulement pour les encourager, mais surtout par lucidité économique et sociale. Nous sommes heureusement nombreux dans ce cas. Mais comme société, sommes-nous prêts à le faire majoritairement aussi ?

Nos parents et nos grands-parents se sont battus pour briser notre condition de porteurs d’eau. Il est peut-être temps de prendre les mesures pour ne pas devenir des livreurs de paquets.

 

Source : Alexandre Taillefer pour La Presse+

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