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13 mars 2022 - 04:00

Texte de Michel A. Plourde

Cantons-de-l’Est contre Estrie

Il ne fait pas doute que l’utilisation du vocable Cantons-de-l’Est est de mise. Trois (3) argumentaires soutiennent ma pensée : les argumentaires pratiques, historiques et identitaires.

Argumentaire pratique

La région administrative de l’Estrie est composée de 6 MRC et de la Ville de Sherbrooke. Au niveau touristique, 2 MRC venaient s’ajouter à la région administrative de l’Estrie (Shefford et Brome-Missisquoi). Celles-ci étaient dans la région administrative « Montérégie ». Donc, avant 2021, il y a 2 territoires géographiques non identiques et de ce fait, 2 noms différents. C’est logique. 

D’aucuns suggéreront de conserver les 2 noms, l’un au niveau touristique, l’autre au niveau « administratif », car « ceci ne serait pas une première ». D’abord, cette affirmation est fausse puisqu’aucune région administrative du Québec ayant exactement les mêmes délimitations géographiques tant au niveau touristique qu’administrative possèdent le même nom. Sans compter que donner 2 noms distincts à 2 entités de configurations identiques ne fera que semer la confusion de façon perpétuelle. 

Finalement, « Cantons/Townships » est utilisable en anglais et français. Un atout indéniable touristiquement. Pas étonnant que la région touristique reprend le nom délaissé en 1996, seulement 15 ans après avoir pourtant été remplacé par « Estrie ». 

Argumentaire historique

Contrairement à ce qu’on partout, le vocable « Cantons-de-l’Est » n’est pas une traduction littérale du vocable anglophone. Le vocable francophone est apparu en 1858, sous l’impulsion d’un auteur du temps, Antoine Gérin-Lajoie. Il s’inspire alors de la Suisse, qui utilise ce vocable pour désigner des limites cadastrales similaires aux « Townships » britanniques. 

Les « Western et Eastern Townships » furent établis en 1792. Ce n’est qu’en 1946, que le terme « Estrie » commence à être utilisé. Il est introduit de façon suggestive par le prêtre et historien, Maurice O’Bready. Ironiquement, celui-ci est originaire du premier canton canadien-français, Wotton. Le vocable est tiré de la référence cardinale « Est » du vocable original. Cependant, cela sort de son contexte les raisons historiques du vocable, un aspect pourtant important en toponymie : c’est-à-dire, les cantons à l’est étant situés à l’est du fleuve St-Laurent. 

En 1967 à 1981, les régions administratives sont créées. La région 05 est désignée sous le vocable « Cantons-de-l’Est », son nom historique. Les régions touristiques, quant à elles, furent créées en 1979. Ce n’est qu’en 1981, qu’on la renomme « Estrie », tant administrativement que touristiquement. Toutefois, les autorités régionales touristiques reprennent le vocable « Cantons de l’Est », 15 ans plus tard. 

Argumentaire identitaire

Pour ceux étant attachés au terme « Estrie », ce terme pourra, comme ce fut le cas entre 1946 et 1981, être utilisé pour les milieux commerciaux ou communautaires, comme on le fait en Beauce ou les Bois-Francs. 

La naissance du terme « Estrie » était un peu du « tirage de couverte » au niveau identitaire. Il met de l’avant l’appropriation exclusive identitaire des lieux, et de son historique. Il introduit la notion diviseuse du « Nous et eux ». De un, fait oublier l’origine anglaise des lieux, alors que la région comporte encore une proportion significative d’anglophones de nos jours. De deux, cela fait aussi oublier à quel point les Canadiens français ont construits et façonnés, avec les autres groupes majoritaires (irlandais, écossais et anglais) les cantons. C’est un déni du passé, une forme de révisionnisme, et même, un agenda politique. 

Car, en effet, il est permis de se questionner à propos des motivations de l’adoption officielle du vocable « Estrie », en 1981. Après tout, n’est-ce pas sous le Gouvernement du Parti Québécois que le tout fut adopté ? Pure spéculation, j’en conviens. 

Conclusion

Cantons de l’Est est un terme plus pratique faisant référence aux caractéristiques du territoire, le vrai terme historique pour définir la région et un vocable qui n’enlève en rien l’apport des différentes communautés ayant bâti la région.

 

Michel A. Plourde

Danville

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