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20 septembre 2020 - 04:00

Texte de Jacques Blaquière, généalogiste

Les écornifleurs

Je me souviens autrefois dans les campagnes du Québec, les débuts du service téléphonique faisaient partie des promesses électorales. La ligne téléphonique offrira de bonnes opportunités de travail dans la région et elle permettra à la communauté de communiquer sans avoir à se déplacer. Une seule ligne téléphonique pouvait desservir une vingtaine de familles. Le téléphone sonnait dans toutes les maisons et par le nombre répété de grands coups et de petits coups, chacun pouvait savoir à qui l’appel était destiné.

Cette modernité était bien pratique, mais elle avait un inconvénient; tout le monde pouvait ouvrir son appareil et écouter l’appel en cours de sorte que personne ne pouvait tenir une conversation confidentielle. Les écornifleurs allaient aux nouvelles et les colportaient dans tous les cantons. On savait tous à l’avance les événements qui allaient survenir dans la paroisse. Les mariages, les baptêmes et la visite des États qui viendrait se promener. J’entendais souvent ma grand-mère crier : «Fermez la ligne, les écornifleux, je ne suis plus capable d’entendre mon petit-fils !». C’était l’autre inconvénient technique, le nombre élevé d’appareils ouverts en même temps affaiblissait la force du signal téléphonique.

Puis, plusieurs années plus tard, le progrès des communications permettait aux compagnies de téléphones d’offrir à ses abonnés le service d’appels privés. Une seule ligne téléphonique par abonné; un service beaucoup plus cher, mais qui avait l’avantage de garder les conversations téléphoniques confidentielles. On offrait aussi un service moins dispendieux aux clients qui acceptaient de partager leur ligne privée avec un autre client. La majorité a opté pour la ligne privée en solo. Enfin des conversations qui ne seraient pas ébruitées par les écornifleurs.

Aujourd’hui, on ne se soucie plus des écornifleurs; on leur enlève même le plaisir d’écornifler puisque des centaines, voire des milliers de personnes publient leurs messages sur les réseaux sociaux et autant de personnes peuvent les lire. On dit que l’humain se lasse de tout. Probablement qu’il s’est aussi lassé de la confidentialité des conversations téléphoniques, même que le mot confidentialité ne fait plus partie de son vocabulaire, semble-t-il. Les lignes privées de téléphone sont d’une autre époque. Maintenant, plus personne ne se préoccupe de la confidentialité des renseignements personnels. On les publie sur les réseaux sociaux. Des milliers de personnes préfèrent s’inquiéter pour le vol de leur identité, mais ne peuvent pas s’empêcher de continuer à communiquer par les réseaux sociaux. La ligne téléphonique rurale partagée autrefois en commun par les abonnés au téléphone faisait finalement beaucoup moins de dommages à la vie privée des gens que les réseaux sociaux peuvent en faire aujourd’hui. Et, c’est ça qu’on nomme le progrès.

Jacques Blaquière, généalogiste

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