Chaque élection municipale ramène le même constat : un taux de participation préoccupant, et particulièrement faible chez les jeunes. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il demeure alarmant. Pourtant, les décisions prises à l’échelle locale influencent directement notre quotidien : les routes que nous empruntons, les parcs où nous jouons, les logements que nous occupons, les loisirs qui animent nos quartiers. Comment expliquer alors que tant de jeunes se désintéressent de la politique municipale ?

J’ai été candidat aux deux dernières élections municipales 2021 et 2025 : la première fois à 24 ans, la seconde à 28 ans. Je vais couper le suspense : je n’ai pas gagné ni l’une ni l’autre. Mais ici, il ne s’agit pas de parler d’une défaite électorale, mais bien de partager une constatation : le manque flagrant de participation des jeunes à la politique municipale. Et surtout, de proposer quelques pistes pour leur redonner le goût de s’impliquer et de voter.

L’un des principaux constats que j’ai faits sur le terrain est que les jeunes ne se reconnaissent pas dans la politique municipale. Le visage des conseils municipaux reflète rarement la diversité d’âge ou d’expérience de la population. On y retrouve majoritairement des personnes à la retraite ou proches de l’être, des gens dévoués, certes, mais éloignés des réalités des jeunes adultes.

Résultat : les jeunes ne se sentent pas concernés. Ils ont du mal à se voir représentés, à sentir que leur voix compte, ou que la municipalité est un lieu où ils peuvent influencer leur quotidien.

Un autre élément marquant : le manque d’information et de visibilité autour des élections municipales. À la différence des élections provinciales ou fédérales, la médiatisation est souvent minimale, surtout hors des grandes villes. Il y a peu de débats publics, peu de publicité, peu de discussions sur les enjeux locaux. De plus, dans bien des municipalités, les maires et conseillers sont élus sans opposition. Cette faible mise en avant crée un sentiment de déconnexion chez les jeunes, qui ne se sentent ni informés ni concernés par les enjeux locaux.

Lors de mes campagnes, en faisant du porte-à-porte, j’ai rencontré plusieurs citoyens : jeunes et moins jeunes qui ignoraient même qu’on était en période électorale. Cela en dit long sur le déficit de communication.

Pour raviver la participation des jeunes, les municipalités ont un rôle clé à jouer. Elles doivent se donner les moyens de rendre la politique locale plus accessible, plus vivante et plus proche des réalités contemporaines. Cela pourrait passer par la création de conseils jeunesse municipaux réellement consultés dans les décisions locales, par des campagnes d’information adaptées aux plateformes que fréquentent les jeunes, ou encore par des stages et des programmes de mentorat permettant d’initier les étudiants au fonctionnement municipal.

J’ai souvent entendu les candidats dire : « Maintenant que je suis à la retraite, je vais avoir du temps pour la ville. » Et chaque fois que j’entends cette phrase, quelque chose me dérange. Parce qu’elle révèle un problème plus profond : on associe encore trop l’engagement municipal à une étape de vie où l’on a « du temps libre », souvent après la retraite. Comme si la gestion de nos communautés était une affaire de gens disponibles, plutôt qu’une responsabilité partagée par tous.

Pendant ce temps, je réalise que les jeunes, eux, se heurtent à une réalité beaucoup plus exigeante. Ils n’ont pas le luxe de rivaliser dans un système pensé pour des personnes qui disposent de beaucoup de temps. Et ce n’est pas parce qu’ils ne veulent pas participer : c’est souvent parce que nos structures ne sont pas adaptées à leur rythme, à leurs besoins et à leur réalité. On finit alors avec un paradoxe : les décisions qui façonneront l’avenir sont discutées sans ceux qui vivront des impacts le plus longtemps. Une vision doit changer : nos municipalités ne peuvent pas être construites seulement par ceux qui ont du temps : elles doivent être façonnées avec et pour toutes les générations.

Les jeunes d’aujourd’hui forment les communautés de demain. Sans la participation des jeunes, c’est une partie de la population dynamique, créative, visionnaire qui ne se retrouve pas dans l’appareil décisionnel de la ville. Il est donc essentiel de changer cette tendance, non pas en blâmant les jeunes, mais en transformant notre manière collective de parler de politique municipale, de la rendre accessible, concrète et inspirante.

La démocratie municipale ne peut pas s’épanouir sans la voix des jeunes. Il est temps que les municipalités ouvrent plus grand leurs portes et tendent la main à cette génération qui ne demande qu’à contribuer. Parce qu’une ville qui écoute ses jeunes est une ville tournée vers l’avenir.

 

Faustin Mugisha