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19 décembre 2015 - 03:44

Quand la charité sert à bien camoufler l'injustice sociale

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Vers les années 1970, au cours d’une conférence que je donnais au Conseil des Œuvres du grand Montréal (le Centraide actuel), je posais les deux questions suivantes : 1 —Les nombreux dollars que vous investissez dans la charité présentement, qu’est-ce qu’ils auront changé dans 10 ans ? 2— Est-ce qu’il faut que la pauvreté demeure pour que la charité demeure ? Je pense que ces deux questions sont encore plus pertinentes aujourd’hui.

Camus écrivait déjà : « Les riches en avaient assez de l’entraide, ils ont inventé la charité ! »  En Estrie, la Grande Guignolée avec tout son battage publicitaire et ses très nombreux bénévoles en tuques du Père Noël a rapporté le joli montant de 160 000 $ Tribune). Je vous fais tout de suite remarquer que ce montant est à distribuer dans une large partie de la population et qu’il représente à peu près le tiers du salaire annuel d’un médecin spécialiste. Un traitement médical homéopathique.

Les regroupements, les mouvements, les actions charitables qui cherchent à atténuer les inégalités sociales n’ont pas proliféré pour compenser les effets de la volonté divine. C’est notre charpente socio-économique qui les a rendues nécessaires. Les lois sont toujours faites au profit de ceux qui les font. Les inégalités salariales sont faramineuses. Elles sont déterminantes, elles sont une cause directe de la pauvreté. Quelques pays font une différence. La Finlande, par exemple, dont les disparités salariales sont beaucoup moins indécentes que les nôtres, vient d’instaurer un revenu annuel garanti qui suffira à rendre inutiles les compensations charitables.

Chez nous, avec le temps, la mission régularisatrice de l’État a fondu et continue de fondre à vue d’œil. Chez nous, la charité devient un traitement de plus en plus nécessaire à la réduction et au camouflage des inégalités sociales. Chez nous, le privé envahit graduellement le territoire plus égalitaire de l’État et s’accommodent très bien des impasses socio-économiques d’une large part de la population. Le tout est bien enveloppé dans un langage inoffensif et déculpabilisant.

En plus, cette approche au large problème de la pauvreté rend pratiquement impossible toute forme de contestation sociale. D’abord parce les formes d’aide sont individuelles et n’incitent aucunement aux regroupements qui pourraient avoir une quelconque influence. Ensuite parce que l’ensemble de la démarche charitable rend invisible le lien entre la pauvreté et ses causes.  

J’aimerais que sur les boites des « guignoleurs » ou ailleurs, on écrive en gros caractères : « À bas les abris fiscaux ! » ; « À bas les profits non imposables des multinationales ! » « À bas les primes de séparation faramineuses ! » À bas les salaires des médecins spécialistes ! » « À bas les profits des banques ! » « À bas les entourloupettes de la fiscalité », etc.

Une dernière question : comment se fait-il qu’un haut salarié qui quitte son poste bénéficie d’une imposante prime de séparation et qu’un petit salarié qui perd son emploi attende un certain nombre de semaines pour recevoir ses prestations, que ces prestations soient temporaires et qu’elles s’ajustent à quelque 60 % de son salaire ? Ce travailleur est certainement mûr pour un panier de Noël. N’est-ce pas ?

Gaston Michaud, Racine

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  • Ce qui cause la pauvreté de nos jours, c'est l'argent de la drogue. Cet argent sale qui se mêle allègrement aux marchés honnêtes. On ne se questionne plus sur les revenus de ces supposés assistés sociaux qui se pavanent dans des véhicules de luxe; sur la provenance des fonds ayant servi à construire des méga-projets commerciaux, des condominium de luxe, des grands restaurants, des édifices à bureaux, etc. Quels beaux jeux de cache-cache que ces compagnies à numéros. Les policiers, quand ils ne sont pas eux-mêmes corrompus par les cadeaux des trafiquants, ne savent plus s'il doivent arrêter le trafiquant qui donne du travail à des centaines de travailleurs honnêtes ou fermer les yeux comme la plupart des gens sur ce pouvoir économique occulte qui mine notre économie nationale officielle. L'argent de la drogue surpasse largement la valeur de l'or combinée à celle du pétrole. On parle de milliards de narco-dollars d'argent sale. Nous vivons maintenant à l'ère des narco-dollars et la pauvreté intellectuelle se retrouve surtout dans les couches sociales les mieux nanties de notre pays qui ne pensent qu'à s'enrichir davantage et qui n'ont rien à foutre de la pauvreté de leurs semblables qui croient eux-mêmes pouvoir se sortir de la misère en consommant et en vendant de la drogue. On nait ou on ne nait pas sous une bonne étoile. On est ou on est pas honnête.

    blaque - 2015-12-30 23:46