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4 avril 2009 - 08:18

Deux récupérateurs du Val-Saint-François veulent que leur travail soit reconnu.

Saint-Claude – Deux récupérateurs de la région, André Bélanger et Clément Goyette, veulent que leur pratique soit reconnue différemment au plan légal. Face aux règles de la Régie du bâtiment du Québec et du Syndicat de la construction du Québec, leurs activités se rapportent à la démolition et ne conviennent pas aux critères de compétences et de main-d’œuvre. Les deux entrepreneurs s’interrogent toutefois sur ces critères, dénonçant la pratique observée en matière de démolition qui ne valorisent en rien la récupération des matériaux, pas plus qu’elle ouvre la porte à une classe de travailleurs ne possédant pas les cartes de compétences requises.
Natif de Bromptonville, André Bélanger est âgé de 68 ans et réside à Saint-Claude. Voilà plus de 25 ans qu’il œuvre à son compte, occupé à démolir des maisons et des bâtiments desquels il récupère presque totalement les matériaux. Clément Goyette, qui demeure à Saint-François-Xavier-de-Brompton, travaille à son compte depuis quinze ans, occupé à récupérer le métal et divers types de matériaux. Depuis six ans, il œuvre avec André Bélanger qui lui communique son expérience, tant et si bien que M. Goyette est en mesure d’offrir les mêmes services. Mais autant pour lui que pour André Bélanger, leurs activités les conduisent à des poursuites et à des pressions exercées par la Régie et Syndicat.

« Quand un bâtiment est démoli, les matériaux récupérables sont déchiquetés pour être ensuite envoyés à des grandes compagnies de construction qui les achètent pour en faire des profits, sauf que ces matériaux sont vendus à des entreprises pour le chauffage. Ceux qui font de la récupération manuelle, comme nous, ne récoltent aucun bénéfice. Bien des matériaux pourraient être récupérés dans la construction, comme par le passé, ce qui aiderait plusieurs personnes au plan financier et contribuerait à protéger l’environnement », considère André Bélanger.

Clément Goyette s’interroge particulièrement sur la façon de faire au plan environnemental. « Pourquoi sommes-nous forcés de récupérer les cannettes, le plastique, la vitre, le papier, le carton, le zinc et divers métaux? Pourquoi ne pouvons-nous pas récupérer le bois des bâtiments démolis et qui sont réutilisables?

Les deux entrepreneurs constatent que cette pratique n’est pas courante en Estrie, pas plus que dans d’autres régions du Québec. Pourtant, André Bélanger note qu’il récupère près de 90 % des matériaux lorsqu’il démolit une maison, un immeuble ou un bâtiment de ferme. Les planches, les moulures, les équipements et accessoires et tout ce qui compose l’intérieur et l’extérieur d’un lieu autrefois fonctionnels peuvent ainsi être réutilisés. De plus, certains matériaux deviennent des pièces recherchées, tant pour leur qualité que pour le style. 

« On trouve souvent des choses particulières et de qualité, comme des essences de bois, des bains, des balcons ou de grosses poutres de support. Je me rappelle des énormes clous datant de 1905 que j’ai récupéré lors de la démolition de l’entrepôt du CN à Richmond. En somme, il y a énormément de choix pour tous les besoins, tellement que le bouche à oreille fait son chemin et qu’à chaque démolition les gens qui me connaissent ou qui savent ce que je fais viennent récupérer les matériaux. C’est utile pour bien du monde et je pense à la maison d’un résidant du Canton de Melbourne qui a été construite entièrement avec des matériaux récupérés », mentionne M. Bélanger.

Au niveau de leurs activités, les deux entrepreneurs sont inscrits au registre des entreprises du Québec comme « récupérateur manuel de bâtiment ». Ils affirment aussi être en règle au chapitre des assurances. Les interventions de la Régie et du Syndicat portent principalement sur la main-d’œuvre et les cartes de compétences requises. André Bélanger fait majoritairement appel à des travailleurs sans emplois ou sur la sécurité sociale, mais il tient à souligner que ce type de main-d’œuvre convient à ses opérations et permet de donner du travail.

« Je démolis manuellement, morceaux par morceaux, et par rapport à la grosseur du bâtiment, ça peut prendre une semaine ou deux. C’est différent que de démolir avec une pelle mécanique et d’engager des hommes pour une journée à 30, 40 piasses de l’heure. Moi, je donne le salaire minimum et parfois un peu plus, mais je fais travailler du monde qui ont de la difficulté à se trouver un emploi. La plupart sont heureux et peuvent démontrer leurs aptitudes pour des travaux manuels. Il y en a qui sont pas capables de terminer des études et de se spécialiser dans un secteur, mais il faut quand même que ces gens là trouvent le moyen de gagner leur vie. Avec moi, ils prennent de l’expérience et ne sont pas forcés à travailler à la course parce que pour démolir une maison manuellement, il faut éviter de briser ou de se blesser », considère André Bélanger.

Le récupérateur n’est cependant pas en mesure de faire travailler des gens, pas plus que son collègue, Clément Goyette. Alors qu’il procédait à la démolition de l’ancienne usine de Chaises Ewing dans le secteur Melbourne à Richmond, André Bélanger rapporte que lui et son équipe d’employés ont été interrompus soudainement par le Syndicat de la construction du Québec, devant ainsi mettre fin à ses activités sur le champ. Il doit maintenant régler une facture de près de 4000 $ pour le paiement de salaires basés sur les normes de la construction. André Bélanger ne s’en formalise pas trop, car ce n’est pas la première fois que la Régie et le Syndicat contestent ses activités au plan légal.

« J’ai 68 ans et je pourrais tout simplement me retirer et vivre de ma pension. Mais je souhaite passer le flambeau à Clément et d’agir dans le domaine comme superviseur. J’ai décidé de me battre parce j’estime que je donne du travail et qu’il faut que ça change au niveau de l’environnement. Je pense que tous les matériaux de chaque bâtiment démoli doivent être récupérés manuellement au lieu d’aboutir dans des dépotoirs ou dans des fournaises. »

André Bélanger et Clément Goyette ont ainsi décidé de sensibiliser la population en faisant part des caractéristiques de leur travail au plan de l’environnement et de l’employabilité. Il ont trouvé écho auprès de deux des trois députés de la région, André Bellavance et Etienne-Alexis Boucher. Ce dernier compte porter ce dossier à l’attention du gouvernement dans le cadre de l’Assemblée nationale. L’intervention des deux députés et d’autres appuis pourront peut-être conduire à l’atteinte de l’objectif visé par messieurs Bélanger et Goyette, soit d’apporter des modifications à la loi pour qu’eux et d’autres entrepreneurs puissent à la fois démolir et récupérer les matériaux, ainsi que faire appel à une main-d’œuvre moins coûteuse. 
    


 

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