Windsor (RC) – Dans une lettre adressée à la Commission scolaire des Sommets au cours de la dernière semaine, la mère d’un élève de l’école secondaire du Tournesol a pris position sur l’un des romans de l’auteur Patrick Senécal, Les Sept jours du Talion, qui a été retenu comme lecture obligatoire pour le programme de français de deuxième cycle. Cette intervention a fait réagir la direction de l’école, mais aussi les enseignants et les élèves qui soutiennent majoritairement la pertinence du choix. À tout le moins, la lettre autant que les réactions auront permis d’élargir l’approche à l’endroit d’un roman que bien des parents n’ont pas lu, contrairement aux nombreux élèves qui ont parcouru les quelques 300 pages du livre.
C’est l’enseignante en français, Vanessa Nenquin, qui a choisi Les Sept jours du Talion. Elle n’est pourtant pas une lectrice assidue de Patrick Senécal et n’est pas adepte des genres associés au suspense, à l’horreur ou au roman noir. «Ce que je préfère, ce sont les romans psychologiques. J’étais toutefois présente lorsque Patrick Senécal a rencontré il y a plus d’un an des élèves d’une école secondaire à Sherbrooke. C’est un auteur intéressant qui est apprécié autant des jeunes que des adultes. En tenant compte de sa venue prochaine au Tournesol, mais aussi de la lecture réservée à l’examen de fin d’année, j’ai choisi le roman parce qu’il amène à réfléchir sur la démarche et l’évolution du personnage principal au plan de la psychologie», considère Mme Nenquin, bien au fait de l’inspiration de Senécal qui laisse au fil des pages des passages parfois violents et incisifs.
Le directeur de l’école du Tournesol, Serge Dion, abonde dans le même sens et valide sans hésiter la pertinence du choix. Sans même faire mention du congé de paternité qui l’a éloigné momentanément de son poste, M. Dion affirme ne pas avoir été au courant de ce choix. « Mais je n’en ai pas honte. C’est la première fois que nous avons une plainte pour une lecture, qu’elle soit obligatoire ou pas, et dans l’ensemble, les directions d’école se fient au jugement des professeurs. Suite à ma conversation avec la mère de l’élève, j’ai communiqué avec la Commission scolaire des Sommets qui soutient notre façon de faire et notre choix. Il est reconnu que les romans de Patrick Senécal contiennent une part de violence, mais il faut tenir compte qu’au Tournesol, ce sont des élèves de 16 à 17 ans qui ont à lire ce livre. J’avais 13 ans quand j’ai lu Aggaguk de Yves Thériault ; au plan littéraire, c’est une œuvre importante mais qui renferme des passage très violents. Il faudrait peut-être aussi se rappeler qu’un autre roman de Patrick Sénécal, Le Seuil, a été adapté au cinéma et qu’il s’adressait aux jeunes de 13 ans et plus », souligne le directeur.
Du côté des étudiantes et des étudiants, le langage et les passages violents des Sept lois du Talion n’ont pas été retenu à la lettre. Comme le souhaitait Vanessa Nenquin, c’est plutôt ce qui ressort de l’extrême vengeance éclatée qui a été retenu. « Au fond, c’est l’histoire de la vengeance d’un bourreau envers sa victime. Il réussi jusqu’au bout de sa folie, mais à travers toutes les tortures infligées, il ne ressent aucune satisfaction, contrairement à ce qu’il pensait au départ. C’est un échec total et ce qui est intéressant, c’est que ça fait réfléchir sur la violence gratuite », considère Isabelle Gosselin, qui, comme d’autres étudiantes, a lu le livre avec intérêt, même si elle avoue ne pas être une dévoreuse de romans.
C’est aussi le cas pour les étudiants dont plusieurs ne sont pas adeptes de la lecture. Le parcours de plus de 300 pages n’a pas été trop long et le message de l’auteur a bien été saisi, ce qui augure bien pour l’examen de fin d’année pour lequel les élèves auront à pondre un texte argumentatif découlant du roman de Senécal.
Pour l’instant, le seul malaise qu’éprouvent les élèves est de se rendre compte que les réactions qui se sont enchaînées mettent l’élève du parent mécontent dans une situation embarassante. Heureusement, les histoires d’opinions ont la vie courte, autant que la semaine de relâche qui s’écoule…
Isabelle Gosselin, étudiante à l’école secondaire du Tournesol.